En 2022, dans un contexte de cohabitation de plus en plus délicat entre viticulteurs et riverains, 17 exploitations viticoles concernées par cette problématique et localisées sur différentes appellations de la Gironde ont constitué un Groupe 30 000 et ont choisi Phloème comme structure d’accompagnement.
L’objectif fixé pour ce groupe de travail pendant 3 ans était la réduction des traitements phytosanitaires et de leurs impacts ainsi qu’une meilleure communication avec riverains et acteurs du territoire pour améliorer le vivre ensemble.

Le Groupe 30 000 Viticulture Péri-Urbaine est animé par Aurélie ALBERT, associée et conseillère en viticulture chez Phloème. Depuis plus de 20 ans, Aurélie conseille les viticulteurs sur leurs stratégies phytosanitaires et les bonnes pratiques agricoles, tant en milieu rural que péri-urbain.
Les 17 viticulteurs du Groupe 30 000 Viticulture Péri-Urbaine

Les Groupes 30 000, une initiative du plan Ecophyto
Phloème s'inscrit dans le cadre du plan Ecophyto, qui vise à accompagner 30 000 exploitations agricoles dans leur transition vers l'agroécologie et dans la réduction de l’utilisation des produits phytopharmaceutiques.
Notre mission : proposer un accompagnement technique, collectif et individuel, poussé et faire de ce Groupe 30 000 un laboratoire d’expériences de terrain et d’analyse technico-économique des pratiques à l’épreuve, afin de pouvoir les diffuser ensuite au plus grand nombre.

Phloème anime aujourd'hui 4 Groupes 30 000 sur différentes thématiques. Pour plus d'informations sur nos autres collectifs : https://www.phloeme-conseil.com/post/phloème-engagement-mise-en-route-de-groupes-30-000-plan-ecophyto-2
Les axes de travail du Groupe 30 000 Viticulture Péri-Urbaine
Le Groupe 30 000 Viticulture Péri-Urbaine vise à répondre à l’enjeu du maintien d’une production viticole rentable dans des zones proches d’habitations. Les quatre objectifs des viticulteurs fixés fin 2022 étaient les suivants :
Réduire l’usage des produits phytosanitaires via les outils d'aide à la décision et l'agroécologie.
Favoriser le remplacement des produits phytopharmaceutiques « conventionnels » par des produits de « biocontrôle ».
Limiter les impacts et nuisances des traitements (qualité de pulvérisation, pulvérisation confinée, limitation de la dérive, plantation de haies).
Valoriser les pratiques vertueuses et communiquer sur ces pratiques vers les riverains et les acteurs du territoire (élus et/ou responsables d’administrations et/ou établissements scolaires).
Des actions concrètes pour une viticulture plus responsable
Depuis le lancement du Groupe en février 2023, de nombreuses actions ont été menées :
Ateliers pratiques sur la pulvérisation pour évaluer et améliorer la qualité de la pulvérisation et limiter la dérive.
Démonstrations de matériels de pulvérisation innovants.
Formations sur la réglementation et la communication avec les riverains.
Formations et ateliers pratiques sur l’installation et l’entretien de haies champêtres.
Webinaires sur les différentes méthodes de lutte de biocontrôle.
Aide à la production d’outils de communication (méthodologie, livrables).
Etude cartographique : quantification des surfaces concernées par les riverains.
Échanges d'expériences entre viticulteurs pour partager les bonnes pratiques et les solutions innovantes.
Les résultats remarquables du Groupe depuis son lancement
Entre 2022 et 2023, les viticulteurs du Groupe Viticulture Péri-Urbaine ont planté plus de 1 500 mètres linéaires de haies en plus le long des zones sensibles.

La part des itinéraires sans herbicides a progressé de 81 % à 94 % entre 2022 et 2024.

En 2024, la proportion moyenne des produits de biocontrôle utilisés dans l’indicateur IFT moyen du groupe est égale à 34 % en conventionnel et 60 % en bio, alors que la référence bordelaise est de 17% en conventionnel et 40 % en bio.
(Source : Agreste "Enquête Pratiques culturales en viticulture en 2019. IFT et nombre de traitements").
En 2024, 81% des viticulteurs du groupe pratiquent la confusion sexuelle, contre 75 % en 2022. Il s’agit d’une méthode biologique de protection de la vigne visant à perturber l'activité sexuelle des tordeuses de la grappe, neutre pour les riverains.

En 2022, 24 réunions avec des riverains ou des acteurs du territoire ont été organisées par les membres du groupe, et 23 au total entre 2023 et 2024.

La problématique augmentation de l'Indice de Fréquence de Traitement entre 2022 et 2024

Le Groupe 30 000 Viticulture Péri-Urbaine a été lancé après la saison 2022, qui a été très favorable sur le plan sanitaire à Bordeaux. L’IFT moyen (hors herbicides hors biocontrôle) des 17 membres du groupe était alors égal à 7,8. Nous avons donc décidé de fixer comme objectif de Groupe le maintien de cet IFT moyen à un niveau inférieur à 60 % de l’IFT régional de référence pour l’Aquitaine (2016), égal à 16,53, soit 9,9.
Cet objectif n'a pas pu être tenu, ni en 2023 (11,1), ni en 2024 (12,8), du fait de très fortes pressions mildiou dans le Bordelais. La succession de ces 2 millésimes complexes n’a pas permis d’optimiser le nombre de traitements phytopharmaceutiques. Il faut savoir que selon les années, les traitements contre le mildiou représentent 65 à 75 % de l'IFT total dans notre région. Si l’on ne se réfère qu’à l’indicateur IFT, les résultats du Groupe ne sont donc pas satisfaisants.
Toutefois, nous nous devons d’affirmer que l’on ne peut pas envisager de réduire les intrants à n’importe quel prix, c’est-à-dire celui de la rentabilité des exploitations agricoles qui doivent, pour continuer d’exister, avant tout produire du raisin et du vin.
Nous avons trouvé, grâce aux travaux entrepris, des solutions pour répondre aux objectifs initiaux du groupe, mais pas en réduisant les traitements de manière systématique, ceux-ci devant être adaptés en fonction de la pression du millésime. Leur nombre et type peuvent en conséquence être variables.
Nous pensons que les voies de progrès seront donc plutôt matérielles et organisationnelles que chimiques.
Le témoignage d'Aurélie ALBERT, animatrice du Groupe
Genèse du groupe : pourquoi avez-vous créé ce collectif Groupe 30 000 ?
Les problématiques de voisinage concernent une majorité de nos clients, même en milieu rural.
Nous avons identifié des viticulteurs concernés et motivés qui souhaitaient mettre en commun leurs expériences et avons profité du dispositif Groupe 30 000 pour formaliser notre démarche.
Le fonctionnement en collectif est une opportunité unique pour étudier et expérimenter ensemble des démarches concrètes d’amélioration des pratiques, afin d’envisager un avenir pour la viticulture péri-urbaine. L’objectif était de démultiplier ensuite les résultats obtenus.
En milieu de projet, quel est votre ressenti sur l’avancement ? Quels sont les freins rencontrés ?
L’ensemble du Groupe est très investi, les échanges sont nombreux et riches et des progrès nets sont observés, mais la motivation des viticulteurs s’effrite.
En effet, l’attribution d’une DSPPR (Distance de Sécurité vis-à-vis des Personnes Présentes et des Riverains) de 10 m incompressible à tous les produits phytopharmaceutiques nouvellement homologués, ou réhomologués, incluant aussi des produits de biocontrôle sans classement toxicologique, n’incite pas les viticulteurs à investir dans du matériel de limitation de dérive.
L’efficacité des haies et des filets dans la limitation de la dérive a été démontré par les instituts techniques (IFV), mais ces aménagements ne sont actuellement pas pris en compte par l’ANSES pour réduire la distance de sécurité riverains. Les investissements dans de tels aménagements parcellaires sont donc freinés.
L'absence de reconnaissance des variétés résistantes au mildiou et à l’oïdium dans les cahiers des charges de la plupart des AOC empêche les exploitants de les implanter sur les zones riverains. De plus, ils nécessitent malgré tout 2 à 4 traitements / an pour préserver les gènes de résistance, donc ne sont qu’une réponse partielle à nos questionnements.
Aujourd’hui, les viticulteurs mettent en œuvre des programmes de traitement adaptés sur les zones riverains, favorisant les produits de biocontrôle et ceux autorisés en agriculture biologique (DSR 0 m). Ces types de programmes sont néanmoins moins efficaces en année à forte pression mildiou et les produits concernés se voient attribuer une DSPPR incompressible de 10 m lors de leur réhomologation. Cette réponse n’est donc pas durable.
Autre constat, malgré la mise en place de la charte riverains départementale qui l’évoque clairement, on observe un faible investissement des acteurs locaux (mairies, communautés des communes) dans les démarches de communication et médiation entre riverains et viticulteurs.
Enfin, l’estimation des surfaces en « zones riverains » a été chiffrée pour les 17 membres du Groupe, et elle est conséquente. En moyenne, pour une exploitation du Groupe, 2,4 % de la surface plantée se situe à moins de 10 m d'un riverain, et 7,4 % si l'on considère une distance de 20 m. Certaines de ces surfaces seront vouées à l’arrachage par manque de solutions. L’incidence économique sera donc très importante pour certains vignobles.
Pour conclure, si les instances officielles ne revoient pas leur copie pour encourager la mise en œuvre de moyens pour limiter la dérive de pulvérisation, les résultats de ce groupe 30 000 seront malheureusement limités et peu transposables.

Action réalisée dans le cadre du plan Ecophyto piloté par les ministères en charge de l'agriculture, de l'écologie, de la santé et de la recherche, avec le concours financier de l’Agence de l’eau Adour-Garonne, par les crédits issus de la redevance pour pollutions diffuses.