Garantir la durabilité économique et technique en agriculture biologique
- npoppe9
- 7 avr.
- 6 min de lecture
Dernière mise à jour : 10 avr.
En octobre 2022, 12 exploitations viticoles dont 9 visaient la certification AB ont constitué un Groupe 30 000 et ont choisi Phloème comme structure d’accompagnement.
L’objectif fixé pour ce groupe de travail pendant 3 ans était de réussir sa transition vers le "zéro herbicides" et la protection bio et/ou biocontrôle, tout en garantissant le maintien des rendements.
Le Groupe 30 000 Viticulture Transition bio est animé par Nathalie POPPE, responsable technique chez Phloème. Depuis plus de 20 ans, Nathalie anime les réseaux d'observations, assure la veille technique et règlementaire, met en place les outils d'aide à la décision et rédige les bulletins d'informations à destination des viticulteurs.
Les 12 viticulteurs du Groupe 30 000 Transition bio
Les Groupes 30 000, une initiative du plan Ecophyto
Phloème s'inscrit dans le cadre du plan Ecophyto, qui vise à accompagner 30 000 exploitations agricoles dans leur transition vers l'agroécologie et dans la réduction de l’utilisation des produits phytopharmaceutiques.
Notre mission : proposer un accompagnement technique, collectif et individuel, poussé et faire de ce Groupe 30 000 un laboratoire d’expériences de terrain et d’analyse technico-économique des pratiques à l’épreuve, afin de pouvoir les diffuser ensuite au plus grand nombre.
Phloème anime aujourd'hui 4 Groupes 30 000 sur différentes thématiques. Pour plus d'informations sur nos autres collectifs : https://www.phloeme-conseil.com/post/phloème-engagement-mise-en-route-de-groupes-30-000-plan-ecophyto-2
Les axes de travail du Groupe 30 000 Transition bio
Le Groupe 30 000 Transition bio vise à répondre à l’enjeu du maintien des rendements dans les itinéraires "bio" ou "biocontrôle sans herbicides". Les objectifs des viticulteurs, fixés fin 2022, étaient les suivants :
Améliorer la performance technique et économique des itinéraires d'entretien du sol sans herbicides
Mettre en place des couverts végétaux pour augmenter la fertilité biologique des sols, limiter l'érosion et améliorer la portance des sols
Optimiser et réduire l'usage des produits phytosanitaires (et en particulier le cuivre)
Renforcer l'usage et la performance des produits de biocontrôle
Des actions concrètes pour une viticulture vertueuse et durable
Depuis le lancement du Groupe en février 2023, de nombreuses actions ont été menées :
Formation et ateliers d'échanges sur l'entretien du cavaillon animés par l'expert en mécanique agricole Loïc PASDOIS. Ces actions ont été adaptées en fonction du niveau d'expérience des viticulteurs.
Formation et atelier "terrain" sur la fertilité des sols animés par Eudes AARNINK, formateur en Agronomie et Agro-écologie à l'ISARA de Lyon, pour connaitre l'ensemble des composantes du sol et les moyens de limiter les tassements des sols, et savoir caractériser la fertilité des sols.
Formations et ateliers d'échanges sur la mise en place de couverts végétaux.
Webinaires sur les méthodes de lutte avec les produits de biocontrôle.
La difficile maîtrise du mildiou en AB et le contexte économique responsables de l'arrêt du bio en 2024
Les millésimes à mildiou se succèdent dans le Bordelais (2018, 2020, 2021, 2023 et 2024), et la protection bio et biocontrôle est mise à rude épreuve.
Non sans remords, 6 viticulteurs du groupe décident d'arrêter ou de suspendre la certification AB en mai 2024, après un démarrage d'épidémie mildiou d'une précocité et d'une virulence inédites. Dans le contexte économique actuel, le maintien des rendements est une nécessité et certains viticulteurs du groupe ne sont plus capables d'assumer de potentielles pertes de rendement ou d'assurer le nombre important d'interventions tractorisées nécessaires.
Les résultats remarquables du Groupe depuis son lancement
En 2024, la proportion moyenne des produits de biocontrôle utilisés dans l’indicateur IFT moyen du groupe est égale à 36 %, alors que la référence bordelaise est de 17 % en conventionnel et 40 % en bio.
(Source : Agreste "Enquête Pratiques culturales en viticulture en 2019. IFT et nombre de traitements")
Dans le groupe la proportion des produits de biocontrôle est semblable entre ceux qui sont certifiés AB et ceux qui appliquent un itinéraire conventionnel maximisant le biocontrôle.
En 2024, 80 % des viticulteurs du groupe pratiquent la confusion sexuelle, contre 50 % en 2022. Il s’agit d’une méthode biologique de protection de la vigne visant à perturber l'activité sexuelle des tordeuses de la grappe, neutre pour les riverains.
Malgré la dégradation du contexte économique viticole et l'arrêt de la certification AB pour certains, seul 1 viticulteur a réintroduit 1 passage de désherbage chimique dans son itinéraire en 2024.
En 2024, 60 % des viticulteurs du groupe ont atteint leur objectif de rendement, contre 20 % en 2023. La hausse du rendement s'est fait au détriment du coût de protection (qui a explosé en 2024) et de la certification bio.
Une augmentation de l'Indice de Fréquence de Traitement (IFT) MAIS avant tout une sécurisation de la production
Le Groupe 30 000 Viticulture Transition bio a été lancé après la saison 2022, une année à faible pression mildiou. L’IFT moyen (hors herbicides, hors biocontrôle et hors traitements obligatoires contre la cicadelle de la flavescence dorée) du groupe était alors égal à 4,2. Nous avions décidé de fixer, comme objectif de Groupe, le maintien de cet IFT moyen à un niveau inférieur à 50 % de l’IFT régional de référence pour l’Aquitaine (2016), égal à 16,53, soit 8,3.
Cet objectif a été tenu en 2023 (6,3), mais pas en 2024 (10,0), du fait de la très forte pression mildiou et de la longue période de protection. Si l’on ne se réfère qu’à l’indicateur IFT total, les résultats du Groupe ne sont donc pas satisfaisants. Toutefois :
l'IFT total moyen du groupe est inférieur de 3 points à la moyenne du panel Phloème (12,9)
le cumul des IFT des autres cibles est très faible (0,4 en 2022, 0,7 en 2023 et 1,1 en 2024). Dans le groupe, l'IFT mildiou représente 90 % de l'IFT pour les 3 derniers millésimes !
Le témoignage de Nathalie Poppe, animatrice du Groupe
Genèse du groupe : pourquoi avez-vous créé ce collectif Groupe 30 000 ?
Certains viticulteurs qui ont choisi de se passer d’herbicides dans le cadre de la transition vers le Bio ont peu d’expertise ou d’expérience de longue durée sur le travail mécanique du cavaillon, et bénéficient de peu de moyens en termes de matériel et /ou de personnel. Un besoin urgent d’accompagnement technico-économique sur le travail du sol a émergé. Nous avons également recensé un besoin d'accompagnement sur la maîtrise du mildiou et le maintien des rendements en AB.
Nous avons identifié des viticulteurs concernés et motivés qui souhaitaient mettre en commun leurs expériences, et avons profité du dispositif Groupe 30 000 pour formaliser notre démarche.
En milieu de projet, quel est votre ressenti sur l’avancement ? Quels sont les freins rencontrés ?
Les viticulteurs du Groupe 30 000 Transition bio connaissent depuis 2 ans des conditions climatiques exceptionnelles, qui entrainent un surcroit de traitements, et complexifient l'entretien des sols. Les coûts de traitements hors herbicides (produits + passages) ont augmenté de 60 % par rapport à 2022 et atteignent en moyenne 1 290 €/ha dans le groupe pour 2024 contre 820 €/ha en 2022.
Face à la crise économique que traverse la viticulture bordelaise, la priorité des viticulteurs est la maîtrise des coûts et le maintien des rendements. Dans ce contexte, les pratiques vertueuses comme le désherbage mécanique du cavaillon, la confusion sexuelle et l'usage de biocontrôle sont menacées, car plus coûteuses. La volonté de privilégier les pratiques les plus vertueuses est intacte au sein du groupe, mais certaines exploitations sont économiquement très fragiles, et il se peut que certaines pratiques vertueuses en pâtissent. Par exemple, le semis des couverts végétaux n'est pas considéré comme prioritaire et subit déjà les restrictions budgétaires. Les surfaces semées sont en baisse depuis le début du projet.
Sous notre climat océanique, il est difficile, voire impossible, en cas de forte pression, de maîtriser le mildiou avec des stratégies de protection bio et /ou biocontrôle. Les viticulteurs en ont fait l'expérience en 2023, et dans une moindre mesure en 2024 (mais à quel prix !). Dans le groupe, seuls les vignobles avec un potentiel de production élevé et qui peuvent donc tolérer une légère perte de récolte se maintiennent en certification AB. En revanche, la dose annuelle de cuivre de 4 000 g/ha est régulièrement dépassée et le cumul de cuivre maximal autorisé de 28 kg sur 7 ans (2019-2025) risque de ne pas être respecté après les millésimes mildiou à répétition dans le Bordelais (2018, 2020, 2021, 2023 et 2024).
Malgré ce contexte difficile, les viticulteurs ont pris conscience des bénéfices du travail en collectif 🤝et essaient de se rendre disponibles autant que possible :).
Action réalisée dans le cadre du plan Ecophyto piloté par les ministères en charge de l'agriculture, de l'écologie, de la santé et de la recherche, avec le concours financier de l’Agence de l’eau Adour-Garonne, par les crédits issus de la redevance pour pollutions diffuses.